Transposition de la CSRD en droit français : c’est fait !

La France est le premier pays de l’Union Européenne à transposer la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) sur son territoire. Cette transposition, réalisée par ordonnance, accompagnée de son décret d’application, apporte des éclairages.

Comprendre l’approche législative

Avant toute chose, il convient de préciser les modalités de transposition de la CSRD en droit français : L’Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 (relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales) est LE texte principal transposant la Directive européenne en droit français. Elle s’accompagne d’arrêtés et décrets d’applications, en particulier le Décret n° 2023-1394 du 30 décembre 2023 pris en application de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 précisant les tant attendus seuils d’effectifs, bilan et chiffre d’affaires.

Quel est le périmètre des entreprises concernées, et à partir de quand ?

Les SAS qui étaient jusque-là exclues du périmètre de la Déclaration de Performance Extrafinancière (DPEF) sont bien concernées par la CSRD.

En matière de seuil, la CSRD mentionne que sont concernées dès 2024 les entreprises répondant à 2 des 3 seuils suivants, revus à la hausse début novembre pour tenir compte de l’inflation (>250 salariés, >25 millions d’euros de Bilan – contre 20 millions d’euros initialement, >50 millions d’euros de Chiffre d’affaires – contre 40 millions d’euros initialement).

Cependant, dans son décret d’application de l’ordonnance, le législateur a choisi de garder les précédents seuils pour les entreprises et d’introduire de nouveaux seuils pour les groupes : 48 M€ de chiffre d’affaires et 24 M€ de bilan.

A noter que l’ordonnance introduit la notion de “chiffre d’affaires net”, particulièrement utile pour les institutions financières, qui s’entend comme « le résultat global des intérêts et produits assimilés, des revenus de titres, des commissions perçues, du bénéfice provenant d’opérations financières et des autres produits d’exploitation » (Article 20).

Planning de mise en œuvre

Progressivement, la CSRD viendra remplacer la Déclaration de Performance Extrafinancière (DPEF), selon les échéances ci-dessous :

Les fondamentaux de l’évaluation de double matérialité et du reporting de durabilité

  • Objectif : Identifier les impacts, les risques et les opportunités importants (IROs) liés aux questions de durabilité couvertes par les ESRS.
  • Comment : Evaluer si une question de durabilité est matérielle du point de vue des impacts, ou de ses effets financiers sur l’entreprise, ou les deux.
  • Ensuite : Une fois qu’une question de durabilité a été identifiée comme matérielle, se référer aux obligations de reporting listées dans l’ESRS thématique respectif pour identifier les informations à publier. Si un sujet n’est pas identifié comme matériel, l’entreprise doit l’indiquer dans son rapport de durabilité. Si un sujet est matériel mais pas couvert par les ESRS, l’entreprise doit fournir des informations supplémentaires spécifiques de l’entité.

Application

Cas général (Directive Européenne)

Cas Français

Entreprises

Groupes

Application Cas général (Directive Européenne) Cas Français

Entreprises

Groupes

1er janvier 2024 (publication en 2025)
Grandes entreprises européennes et non européennes vérifiant les seuils de la NFRD • plus de 500 salariés et, • plus de 50 M€ de chiffres d’affaires et/ou 25 M€ de bilan (1)
Grandes entreprises et grands groupes dont le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice est supérieur à 500 et satisfaisant les seuils suivants (plus de 50 M€ de chiffres d’affaires et/ou 25 M€ de bilan) : a) Les sociétés cotées b) Les établissements de crédit c) Les entreprises soumises au contrôle de l’Etat
1er janvier 2025 (publication en 2026)
Autres grandes entreprises européennes et non-européennes : 1. Toutes les autres sociétés européennes qui satisfont au moins deux des critères suivants : >250 salariés / >50M€ CA / >25M€ de total de bilan 2. Toutes les sociétés non-UE cotées sur un marché règlementé UE qui satisfont deux des trois critères mentionnés ci-dessus.
Grandes entreprises dépassant 2 des 3 critères suivants : 250 salariés / 40 M€ de chiffre d’affaires / 20 M€ de bilan
Grands groupes dépassant 2 des 3 critères suivants : 250 salariés / 48 M€ de chiffre d’affaires / 24 M€ de bilan
1er janvier 2026 (publication en 2027, possibilité de reporter à 2029)
PME cotées sur marché règlementé européen Toutes les PME UE et non-UE cotées sur un marché règlementé européen, sauf les microentreprises(2)
1. Petites et moyennes entreprises cotées sur un marché règlementé 2. Établissements de crédit de petite taille et non complexes 3. Entreprises captives d’assurance et de réassurance
N/A
1er janvier 2028 (publication en 2029)
Grandes entreprises non européennes dont le chiffre d’affaires européen excède 150 M€ via une filiale ou succursale localisée au sein de l’Union européenne.
Grandes entreprises non européennes, c’est-à-dire, ne disposant pas d’un siège social dans un Etat membre de l’UE ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen et qui dispose d’une succursale en France, et dont le chiffre d’affaires net excède : – 40 M€ par la succursale à la date de clôture de l’exercice – 150M€ réalisé dans l’Espace économique européen à la date de clôture des deux derniers exercices consécutifs

(1) Afin de refléter l’inflation, la Commission Européenne a adopté le 17 octobre une directive actualisant les seuils de l’Accounting Directive, sur laquelle se base la CSRD pour déterminer les « grandes » entreprises

(2) Microentreprise : société ne dépassant pas deux des critères suivants : 10 salariés, 450K€ de total de bilan, 900K€ de CA

A noter que ne seront concernées les formes juridiques suivantes qu’à partir de 2025 :

  • Les sociétés de groupe d’assurance mutuelles (mentionnées à l’article L. 322-1-3 du code des assurances),
  • Les unions mutualistes de groupe (mentionnées à l’article L. 111-4-2 du code de la mutualité),
  • Les sociétés de groupe assurantiel de protection sociale (mentionnées à l’article L. 931-2-2 du code de la sécurité sociale),
  • Les coopératives agricoles et leurs unions (mentionnées à l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime).

Détermination de la taille des entreprises et groupes

Le décret d’application vient préciser par ailleurs préciser les seuils pour déterminer les tailles des entreprises :

(1) Groupe : Est un groupe l’ensemble formé par une société et les entreprises qu’elle contrôle, au sens du II ou du III de l’article L. 233-16

(2) Effectifs :

  • En application de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale : l’effectif salarié annuel correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente. Le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif salarié est pris en compte lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives.
  • Par dérogation à ces modalités, il est apprécié sur le dernier exercice comptable lorsque celui-ci ne correspond pas à l’année civile précédente.

(3) Bilan : Le total du bilan est égal à la somme des montants nets des éléments d’actif

(4) CA : Le montant net du chiffre d’affaires est égal au montant des ventes de produits et services liés à l’activité courante, diminué des réductions sur ventes, de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées

Sauf disposition contraire, ces seuils sont réputés franchis à la date de clôture de deux exercices consécutifs sur la base des derniers comptes annuels arrêtés, ce qui constitue une évolution par rapport à la règlementation actuelle relative à la DPEF qui mentionne que le dépassement des seuils s’apprécie sur un seul exercice.

Sur quoi portent les obligations  pour les entreprises concernées ?

Le contenu des obligations est le même que celui précisé dans la Directive et les ESRS associés : la publication d’un rapport de durabilité contenant les résultats de l’analyse de double de matérialité, et les informations relatives à la stratégie, aux actions et aux indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) découlant de l’exercice de double matérialité.

Voir notre article sur la double matérialité : https://kshuttle.io/fr/la-double-materialite-dapres-les-lignes-directrices-de-l-efrag/

Les informations en matière de durabilité devront être établies sous les mêmes délais  que ceux prévus pour le rapport de gestion, c’est-à-dire dans les 4 mois de la clôture de l’exercice, et intégrées dans une section distincte du rapport de gestion. Elles devront respecter le format XBRL pour lequel nous sommes dans l’attente de la publication de la norme européenne dédiée, prévue pour 2025. Ce qui signifie que les premiers rapports de durabilité établis  en 2025 (portant sur 2024) seront exemptées de cette obligation.

A noter que l’ordonnance intègre la possibilité d’omission : « les informations portant sur des évolutions imminentes ou des affaires en cours de négociation peuvent être omises dans des cas exceptionnels lorsque, de l’avis dûment motivé du conseil, du directoire ou du gérant, leur publication nuirait gravement à la position commerciale de la société, à condition que cette omission ne fasse pas obstacle à la compréhension juste et équilibrée de l’évolution des affaires de la société, ses résultats, sa situation et les incidences de ses activités ». (Article 8 de l’Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023)

Rôle du CSE

L’Ordonnance introduit enfin dans son article 26, l’obligation, pour les sociétés tenues d’établir un rapport de durabilité, de consulter le CSE lors des trois consultations annuelles sur (i) les informations pertinentes en matière de durabilité, et (ii) les moyens de les obtenir et les vérifier.

Les consultations annuelles prévues par le Code du Travail (dans son art. L 2312-17) concernent (1) les orientations stratégiques de l’entreprise, (2) la situation économique et financière de l’entreprise, et (3) la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Il sera intéressant d’observer :

  • comment les entreprises parviennent à remplir cette obligation étant donné le peu de délai disponible pour collecter des informations sur potentiellement 1,200 points de données, les analyser, les présenter au CSE tout en leur laissant le délai légal de 1 mois pour la remise de leur avis ;
  • quelle pédagogie est effectuée auprès des membres du CSE pour que les membres se saisissent pleinement de ce nouveau sujet.
  •  

Quelles sont les sanctions pour les entreprises ?

Les sanctions portent sur  l’absence de désignation d’un OTI/CAC, de l’absence de convocation aux assemblées générales ou de faire obstacle à l’exercice de vérifications ou contrôles des auditeurs :

  • Absence de désignation d’un OTI / CAC ou de convocation à toute assemblée générale : 2 ans d‘emprisonnement et 30 000 euros d’amende à l’égard des dirigeants.
  • Obstacle à l’exercice de vérifications ou contrôles des auditeurs, y compris le refus de communiquer des pièces utiles à l’exercice de la mission : 5 ans d‘emprisonnement et 75 000 euros d’amende à l’égard des dirigeants.

D’autre part, une entreprise ne satisfaisant pas à ses obligations de publication des informations en matière de durabilité, ni à ses obligations d’établir un plan de vigilance, pourra être exclue de la procédure de passation de marché ou de contrats de concession. Cela s’applique aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2026.

Sources

  • Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales (lien : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048519395 )
  • Décret n° 2023-1394 du 30 décembre 2023 pris en application de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales (Lien : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048735301 )

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